Nouakchott, 19 mai 2008 (IRIN) - Le gouvernement mauritanien a déclaré
qu’il tentait actuellement d’augmenter le nombre de procédures engagées
contre les auteurs de viols, toutefois avec des juges peu formés et des
textes de loi obscurs et dépassés, les progrès en la matière s’annoncent
lents.
Le code pénal, qui repose en grande partie sur la Charia
(loi islamique), ne contient pas de définition précise de la violence
sexuelle, selon Maître Bilal Ould Dik ; dès lors, les condamnations
peuvent dépendre dans une bonne mesure du point de vue personnel du
juge.
« Les condamnations pour viols sont très rares [en
Mauritanie] car nous travaillons sur des textes flous », a-t-il déclaré à
IRIN. « Les affaires de viols se règlent donc souvent à l’amiable entre
les familles ».
En outre, selon Maître Dik, de nombreux juges
cataloguent automatiquement les sévices sexuels dans la catégorie des
relations sexuelles extraconjugales volontaires, un crime connu sous le
nom de « zina » dans la loi islamique.
« Pour de nombreux juges,
la victime de viol est à 50 pour cent responsable de ce qui lui est
arrivé », a observé Zeinabou mint Taleb Moussa, présidente de
l’Association mauritanienne pour la santé de la mère et de l’enfant
(AMSME), une organisation non-gouvernementale (ONG).
Si le
nombre de cas de viol déclarés à Nouakchott, la capitale, a triplé pour
passer de 25 à 75 cette dernière année, selon Mohamed Lemine Ahmed
Seyfer, directeur du service de protection de l’enfance de l’UNICEF, le
Fonds des Nations Unies pour l’enfance, presque aucun agresseur n’a été
sanctionné.
Des textes de loi plus efficaces
Les
autorités mauritaniennes ont tenté d’assurer une meilleure protection
juridique aux enfants victimes de sévices sexuels, en plus du code
pénal, en adoptant le code des mineurs en 2005.
Grâce à ce code,
les enfants mauritaniens jouissent théoriquement d’une des meilleures
protections juridiques prévues pour les mineurs en Afrique de l’Ouest,
selon Frederica Riccardi, représentante de l’ONG Terre des hommes.
Ce
code s’est accompagné de la création d’un service public de protection
de l’enfance et d’une brigade des mineurs ; les juges, les officiers de
police et les travailleurs sociaux ont également suivi des formations
pour apprendre à faire appliquer cette nouvelle loi.
Malgré
tout, peu de juges sont versés dans ses textes ou assez bien formés pour
les faire appliquer ; dès lors, ils s’en remettent au code pénal, moins
efficace, selon Mme Moussa de l’AMSME.
En Mauritanie, un homme
peut encore devenir juge en ne justifiant que d’une formation coranique
informelle, et les femmes ne sont pas autorisées à faire partie de la
magistrature.
En outre, le manque de formation s’applique
également aux travailleurs sociaux et aux psychologues susceptibles
d’aider les victimes.
« ll n’y a que la société civile qui
travaille. Or, nous avons besoin d’éducateurs et de psychologues pour
prendre en charge la douleur », a déclaré Mme Moussa à IRIN.
Certaines
organisations telles que l’AMSME accompagnent les victimes dans leurs
démarches auprès de la police, et tout au long des procédures
administratives nécessaires pour obtenir une condamnation ; elles leur
apportent également un soutien psychologique, si besoin.
Mais selon Mme Moussa, la vraie difficulté consiste à convaincre les victimes de viol de se faire connaître.
Pour
elle, si l’on veut que davantage de cas d’agression sexuelle soient
traités devant les tribunaux, il faut avant tout faire évoluer les
attitudes de la population dans son ensemble face aux agressions
sexuelles, mieux former les magistrats et réformer le système de
justice.
Tant que cela ne sera pas fait, « le sujet des agressions sexuelles [restera] tabou » dans ce pays, a-t-elle prévenu.
mr/aj /nr/nh/ail
Source: IRINEWS
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