Ce soir-là, sa maman, Penda SOGHE, 20 ans, rend visite à sa sœur dans le premier arrondissement de Nouakchott. Après avoir accompli la prière du crépuscule, elle prend congé de sa sœur. Penda monte dans un taxi, direction le sixième arrondissement, avec changement de taxi au Carrefour de Madrid,
à quelques centaines de mètres du cœur névralgique de la capitale
mauritanienne. Sa sœur et son beau-frère qui la raccompagnent ne
savaient pas qu’ils la voyaient pour la dernière fois.
Plus d’une heure après être partie, Penda ne donne pas de nouvelles. « La famille s’est inquiétée parce que Penda ne sortait jamais sans donner régulièrement sa position. » confie le porte-parole de la famille M. Khaly Diallo à Kassataya.
Le téléphone de la jeune femme ne répondait plus. Branle-bas de combat.
La famille fait le tour des commissariats de police de la capitale.
Aucune trace de cette jeune femme jusqu’alors sans histoire.
Scène insoutenable
Plus tard dans la nuit, la police, aux
trousses d’un véhicule signalé suite à une autre tentative de viol, met
la main sur un groupe de jeunes portant des traces de sang. Dans la
voiture, sont retrouvés la pièce d’identité et le portefeuille de la
jeune femme. Mais ce n’est que le lendemain qu’un témoin appelle la
police. Il venait de retrouver le corps sans vie de Penda dans un quartier de la périphérie de Nouakchott.
La scène décrite par les témoins est d’une violence inouïe. Se yeux lui
ont été arrachés et un couteau planté dans sa gorge pour ressortir par
la nuque.
Des précédents
La capitale mauritanienne est régulièrement secouée par des agressions avec viol et assassinat. En août 2012, à
la veille de la fête de l’Aïd el Fitr qui marque la fin du Ramadan, un
groupe de jeunes avait attaqué un salon de coiffure et enlevé une jeune
fille de 16 ans, K.N., qui s’y trouvait. D’après l’Association des Femmes Chefs de Famille (AFCF) qui s’était alors occupée de l’affaire, « Cette
fille mineure âgée de 16 ans a été amenée de force, les yeux bandés et
la bouche bourrée de tissus vers une destination qu’elle ignore. Elle a
enduré l’agression sexuelle de trois malfrats puis elle a été jetée à
côté des bureaux du GSSR [police routière, NDLR]. » Provocation
ultime, les ravisseurs auraient appelé la famille de la jeune fille pour
lui révéler l’endroit où elle se trouvait : « votre chienne se trouve à coté des murs du GSSR. » Dans
cette affaire, la bande avait été arrêtée mais celui qui tenait l’arme à
feu avait été libéré sous prétexte qu’il était déficient mental. Il est
fils de colonel.
Jointe au téléphone par KASSATAYA, Madame Aminetou Mint El Moktar, présidente de l’Association des Femmes Chefs de Famille (AFCF) confirme qu’il ya une recrudescence des crimes de viols et assassinats en Mauritanie. Aujourd’hui, dimanche, elle était au tribunal où un chef de Mahadra M. Ould Habibou Rahmane
passait devant le juge suite à des accusations de viols répétés sur
deux sœurs mineures entre 6 et 7 ans qui étudiaient le coran chez lui à Nouakchott. Autre cas évoqué par Mme Mint El Moktar,
celui de cet imam qui a mis enceinte l’une de ses élèves. Il a été
déféré le mardi de la semaine passée. Dans les deux cas, des pressions
se font jour au sein des cercles familiaux et tribaux pour obtenir la
libération des accusés. En tout, rien que la semaine écoulée, l’AFCF
a relevé 5 cas de viols comme celui de cette jeune fille qui avait
réussi à échapper à ses kidnappeurs sur la route de Nouadhibou dans le
quartier chic de Tevragh Zeina. Elle avait couru vers une maison
pour demander de l’aide. Les occupants voyant qu’elle ne portait pas de
chaussures l’avaient trouvé suspecte et avaient refusé de lui ouvrir
leur porte. Elle fut fauchée et tuée sur le coup par ses kidnappeurs.

Et maintenant ?
Les proches de Penda commencent à se mobiliser pour dénoncer l’insécurité qui règne à Nouakchott. Un sit-in est prévu le mercredi matin à 10h GMT devant le siège de l’Assemblée Nationale à Nouakchott.
Dans le même temps, une collecte est organisée en faveur de la famille
de la victime qui vit modestement. Une lettre sera également adressée au
chef de l’Etat, nous confie M. Khaly Diallo. « Nous ne
comprenons pas que des rafles sévères touchent certains quartiers de
Nouakchott et que dans le même temps la criminalité continue. »
Une autre polémique commence à revenir
au devant de la scène : le statut des taxis. Aujourd’hui, le secteur est
plongé dans la plus grande anarchie. Avec une voiture banale que rien
ne distingue du reste du parc automobile, de nombreuses personnes
s’improvisent chauffeurs de taxi. Comme dans le cas de Penda, en cas d’incident la seule voie de recours reste... le système D.
Retour à la maison de la défunte. La famille reste suspendue aux investigations menées par le commissariat de police de PK8, dans la périphérie de Nouakchott
où sont entendus les présumés criminels. Dernier rebondissement au
moment où ces lignes sont écrites, la police a informé la famille que
les malfaiteurs arrêtés en possession des affaires de la jeune fille
n’étaient que des voleurs. Mais les investigations ont permis
l’arrestation de quatre autres personnes qui sont les présumés assassins
de Penda. La jeune femme a été inhumée vendredi. Entre deux pleurs du petit Alassane orphelin à deux ans et demi.
Abdoulaye DIAGANA pour www.kassataya.com
Source : www.kassataya.co

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